De Jo Walton, j’avais lu Morwenna qui m’avait déjà beaucoup plu, mais je n’avais pas eu l’occasion d’en découvrir plus. Puis son nom s’est multiplié dans les tag Autrices incontournables en SFFF de Nevertwhere, et j’ai décidé de sortir de ma PAL ce livre qui m’attendait depuis longtemps.
Et j’ai bien fait. J’ai vraiment bien fait.
Mes vrais enfants raconte l’histoire de Patricia Cowan, aka Patsy, Patty, Tricia, Trish, Pat. Cette femme, aujourd’hui vieille et confuse, se souvient de deux existences : celle dans laquelle elle a épousé Mark, deux ans après la fin de ses études, et celle où elle a refusé sa demande en mariage.
Avant toute chose, je tiens à prévenir que les aspects imaginaires dans ce livre sont très très légers. On a bien des uchronies, mais elles sont tellement en toile de fond qu’elles peinent à prendre leur place. Certes, elles sont convaincantes, et les éléments s’enchaînent bien, mais l’intérêt du livre ne réside pas là à mon sens. Ce n’est qu’un prétexte pour parler des conséquences des choix de vie.
Dans une vie, on suit donc Tricia, jeune femme de bonne famille sortie d’Oxford et enseignante, qui épouse Mark, un intellectuel qui a raté son diplôme de fin d’étude, suite à une promesse qu’ils se sont faites quelques années plus tôt. Toutefois, le tendre amoureux qui lui écrivait de belles lettres enflammées se révèle vite un piètre époux, et dans ce quotidien de parfaite ménagère, Tricia étouffe vite.
Dans l’autre, on suit Patty qui a refusé cette demande. Elle poursuit son enseignement, s’installe dans une petite vie qui lui convient, avant de rencontrer Bee, une jeune scientifique botanique. Leur amour est réciproque, et leurs vies se mêlent, pour le meilleur et pour le pire.
Le début de vie est relaté en quelques chapitres, puis les chapitres alternent entre chaque existence pour montrer en parallèle comment chacune se déroule. Si l’on peut regretter l’accent porté sur les caractères des conjoints – tandis que Mark est un sale con, Bee est la femme parfaite -, je me suis vite laissé emporter dans le tourbillon de ces existences simples. Il n’y a pas de grandes aventures, pas d’incroyable épopée, juste le déroulement d’une vie, dans ce qu’elle a de beau et de triste.
Je suis impressionnée par la capacité de l’autrice à créer deux existences aussi crédibles l’une que l’autre, à plonger dans des petits détails qui rendent toute la structure d’autant plus vivante. Le style s’efface derrière l’histoire, porte ces tranches de vie avec sa simplicité qui délivre les émotions brutes, sans ambages. J’ai vécu avec elle chaque moment narré, chaque peine, chaque joie. J’ai perdu des enfants moi aussi (qui pourtant ne compte pas en avoir), j’ai vécu des petites victoires quotidiennes, et des frustrations immenses.
Dans ces 400 pages, Jo Walton arrive à nous parler de féminisme, de pacifisme, de parentalité, de différence, de lesbianisme, de handicap, de maladie. Elle aborde tous ces thèmes avec plus ou moins de finesse, mais j’ai été dans mon cas complètement emportée, révoltée régulièrement lorsque l’injustice pointait son nez. J’ai été bluffée notamment par les relations entre les personnages, si crédibles, si vivantes. Malgré le nombre de personnages, difficile de se perdre tant ils ont chacun une personnalité qui se dessine et s’affirme au fur et à mesure qu’ils grandissent.
Jusqu’à ces chapitres de fin, ceux qui précèdent le tout dernier, qui m’ont vraiment brisée le cœur. Il faut dire qu’ils traitent d’une maladie dont mon entourage a souffert, mais vraiment, j’ai rarement pleuré autant, au point que je n’arrivais même plus à lire. Le dernier chapitre laisse un petit goût d’inachevé qui n’enlève rien à la claque immense que le livre m’a mise auparavant.
Ce livre ne plaira pas à tout le monde. Il faut se laisser porter par les événements insignifiants qui émaillent chaque page, rentrer dans cette expérience de pensée de voir une vie simple s’écouler, mais dans mon cas, le pari est complètement réussi. En tant qu’autrice, je crois avoir beaucoup à apprendre de la caractérisation des personnages que Jo Walton réussit en quelques scènes si banales. La scène sur la plage avec son père et son frère au tout début en est un exemple parfait.
Je pense que ce livre me restera longtemps en tête, et j’ai déjà commandé d’autres livres de l’autrice. J’en profite pour vous signaler la sortie de son prochain livre Ou ce que vous voudrez le 7 septembre 2022, toujours chez Denoël, avec une super couverture d’Aurélien Police.
De mon côté, je m’en vais commander ses vieux livres, trouvables en occasion dans des petites librairies telles que Lavondyss, Charybde ou encore Scylla. N’hésitez pas !
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