Un pays de Fantômes m’a indiqué que non, que je pouvais toujours aimer un livre, et si cette revue est probablement mâtinée d’un enthousiasme un peu débordant parce que le bouquin m’a remis le pied à l’étrier, elle n’en reste pas moins sincère.
Dimos Horacki, un journaliste déjà mal vu par sa direction du fait de sa trop grande gueule, se retrouve envoyé au front pour faire l’élogieux portrait d’un général, héros de la guerre de conquête. Après avoir envahi le pays voisin, c’est désormais vers les montagnes que l’Empire tourne ses appétits, pour civiliser les villages sauvages qui s’y trouvent. Son amour pour sa patrie, déjà fragilisé par la barbarie de l’armée, est définitivement malmené lorsqu’il rencontre les anarchistes du pays de Hron. A leurs côtés, il découvre un nouveau monde, une nouvelle pensée, un espoir.
Margaret Killjoy est une autrice et musicienne anarchiste. Son roman parle d’anarchisme, il transpire d’anarchisme, mais ce qui m’a frappée avant tout, qui est superbement expliqué dans la préface de Patrick K. Dewdney, c’est que le roman parle avant tout d’amour. On y trouve de l’amour pour l’être humain, pour la vie, pour la planète, pour l’avenir. Bien sûr, les considérations politiques affleurent chaque dialogue, chaque situation, pour nous vendre l’anarchisme. Dans les chaussures de Dimos, on pose les questions, on s’oppose à cette vision de l’esprit idéalisée, à cette utopie que veut nous vendre l’autrice, et pourtant, l’argumentaire passe tout seul.
Et si cet argumentaire s’est effacé pour moi, c’est parce qu’il a été porté par un groupe de personnages hyper attachants. Les personnages, c’est ma came, et s’ils me plaisent, l’auteur peut m’emmener au bout du monde. Ici, ça a été un pari plus que réussi, j’ai éprouvé une empathie dingue pour des êtres dont certains ont vécu moins de dix pages, juste parce que l’amour que le héros leur porte transpire dans chaque ligne.
Définitivement, je crois que l’amour est mon point faible. Et je ne parle pas juste de romance, je parle de l’amour sous toutes ses formes. C’est ça qui m’avait séduite dans Meute de Karine Rennberg (promis, j’essaie de vous faire un billet dessus à l’occasion), et c’est ça qui m’a à nouveau conquise dans Un pays de Fantômes. Et la violence ambiante de cette guerre ne permet que de mieux faire ressortir la beauté de ces gestes entre humains qui s’aiment.
Le style de Margaret Killjoy est aussi un plaisir. Simple mais efficace, de courtes descriptions judicieusement placées permettent de plonger le lecteur dans l’ambiance souvent feutrée des lieux choisis, dans les neiges de l’hiver, au sein de demeures accueillantes, et même parfois, au milieu de la foule ou des soldats.
Enfin, il faut saluer le travail d’Argyll pour cet écrin livre superbe, avec une couverture magnifique par Xavier Collette, une traduction délicate par Mathieu Prioux, une carte par Stéphane Arson. Si vous avez déjà lu du Argyll, vous saurez que la qualité édito est au rendez-vous. Sinon, n’hésitez pas à vous en procurer un, vous trouverez certainement votre bonheur !
Un pays de fantômes est un roman court (seulement 200 pages), qui va donc droit au but, raconte son histoire avec efficacité et nombre d’ellipses qui ne m’ont pourtant jamais dérangée. Et la fin, satisfaisante, poignante, m’a tiré quelques larmes pour la douleur et la beauté. Bref, je crois n’avoir pas dit grand chose en fin de compte dans cette chronique, mais je vous recommande chaudement cette lecture.
Pour un avis plus en demi teinte, vous pouvez lire la chronique de Laird Fumble à cette adresse.
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